Sur-Exposition. Autochromes et couleurs.
Quelques expositions nous invitent à la réflexion sur la couleur et sur la préhistoire de la photographie numérique.
1,2,3 Couleur ! L’autochrome exposée (Jeu de Paume, Château de Tours jusqu’au 28 mai)
« 1,2,3 Couleur » est sans doute une allusion à la trichromie, principe selon lequel toute couleur peut être reproduite par la composition de trois couleurs primaires. Son application a abouti dès le début des années 1860 aux premières photographies en couleurs.
Les primaires Rouge, Jaune et Bleu sont bien connues dans la tradition picturale percevant le jaune comme couleur centrale du spectre. Mises en pratique par Chevreul pour la Manufacture des Gobelins et employées pour l’imprimerie en couleur de l’époque, ces primaires à travers leurs binaires (Violet, Orangé, Vert) ont servi de base au procédé Autochrome Lumière.
Mais une approche physique promue par Maxwell, théoricien des ondes électromagnétiques (une des natures de la lumière) a abouti très tôt à l’idée d’une meilleure synthèse des couleurs à partir des primaires Rouge, Vert et Bleu et permit de produire les premières photographies couleurs. La conférence CIE de 1931 tranchera en faveur de la décomposition RVB (et ses complémentaires CMJ) ouvrant la voie au développement industriel de l’image couleur (télévision, films couleurs « chromogène », imprimerie), coïncidant avec le déclin de l’autochrome.
Mais l’occasion unique de cette exposition était de voir quelques vraies autochromes (et non pas des reproductions) et ce qui frappe est la finesse des détails contrastant avec l’image granuleuse que nous avons l’habitude de voir.
On rappellera que le principe des autochromes est le même que celui de la photographie numérique : une matrice microscopique de filtres colorés placée devant une surface sensible à la lumière pour la prise de vue et la même matrice rétroéclairée à travers un positif pour la projection. A partir des données de l’époque sur la taille des filtres (des grains de fécule de pomme de terre), on pourrait estimer à plus 1500 dpi la résolution de l’image soit, selon le format des plaques, des images de 40 à 150 Mpixel. Même principe, même défaut que la photographie numérique : le bruit de couleur. La faible sensibilité des émulsions orthochromatiques ainsi que la répartition non uniforme des couleurs des grains de fécule sont probablement à l’origine de ce défaut.
Il n’est donc pas étonnant que l’autochrome avec sa décomposition filtres Violet, Orangé, Vert (complémentaires des primaires du peintre) ait séduit les photographes pictorialistes (Stieglitz, Steichen, …). L’attrait qu’il garde est sans doute lié à ses primaires décalées et désaturées donnant ces teintes « picturales » et du charme au bruit coloré.
Exposition malheureusement terminée (mais une abondante documentation est accessible via le dossier pédagogique). On pourra se rattraper en allant aux Jardins Albert Kahn : pas d’autochrome originale mais le matériel de prise de vue et de développement.
Léon Monet (Musée du Luxembourg, jusqu’au 16 juillet)
De couleurs, il est également question avec Léon Monet, le frère de Claude, directeur de l’usine française de Geigy produisant des colorants pour l’industrie textile (Geigy fusionnera plus tard avec CIBA, l’inventeur du Cibachrome).
Il est dommage que la question du rapport des deux frères autour de la couleur n’ait pas été abordée faute de documentation apparemment. Il faudra se référer à l’article “Les frères Monet et la couleur” pour trouver quelques analyses et la référence aux primaires de Claude Monet : « Je me sers de blanc d’argent, jaune cadmium, vermillon, garance foncée, bleu de cobalt, vert émeraude, et c’est tout ».