Sur-Exposition. Rencontres d’Arles 2023.

Quelques expositions des Rencontres de cet été. Choix subjectif et interrogations sur la nature de la photographie.

Juliette Agnel « La main de l’enfant » Cryptoportiques.

La main de l’enfant, Juliette Agnel, Les Cryptoportiques, Arles

Nouveau lieu d’exposition à Arles (vestiges souterrains de la ville romaine) pour mettre en valeur le projet de Juliette Agnel (et de ses assistants) réalisé dans les grottes d’Arcy-sur-Cure. Il s’agit au fond de « light painting » permettant d’écrire dans l’obscurité, nous renvoyant dans ces lieux préhistorique et historiques aux fondements de la photographie.
Ce diptyque montre côte à côté ce qui est présent mais invisible (image négative) et son image révélée.

 

Matérialité du tirage.

La thématique du rapport à la nature et l’omniprésence de l’image numérique suscitent de nombreux travaux sur le tirage lui-même.

Alexandre Dupeyron, collectif LesAssociés, “600°”

A la Fondation Manuel Rivera-Ortiz, la collectif LesAssociés présente avec « 600° » un travail collectif exemplaire de photographes, issus du photojournalisme notamment, revenant dans les Landes sur les lieux des incendies pour y documenter les séquelles, chacun selon sa propre vision. Alexandre Dupeyron réalise des tirages de sections de troncs de pins à la gomme bichromatée pigmentée avec le charbon des bois brulés. Etonnant retour du tirage à la matérialité du sujet. A. Dupeyron maniant la gomme pour créer des images avait exposé l’année dernière des tirages pigmentés à la poussière de marbre blanc : démarche littéralement « photographique » où l’image est créée par ajout de lumière.

 

 

Dolorés Marat (« Dérèglement chromatique ») abandonnée par le procédé Fresson (tirage quadrichromique au charbon) a dû se tourner vers l’impression pigmentaire sur papier japonais artisanal.

Connected visions of a related world, Eva Maria Raab (collectif fiVe) série “Lake You”

Toujours sur le thème du tirage, le cyanotype est bien sûr représenté notamment par les travaux de certains élèves de l’Ecole de Photographie mais aussi de façon remarquable par Eva Maria Raab (collectif fiVe à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz) qui révèle ses photos de lacs avec l’eau de ces mêmes lacs. Là aussi le sujet participe à la réalisation du tirage. On en redemande.

 

 

 

 

 

Intelligence artificielle générative.

A photo shot in 2004 in Kinmen island of two men determining the boundary of two sorghum fields – AR 3:4 – upbeta, Tan Chui Mui

Diamétralement opposée mais questionnant aussi la nature de la photographie, Tan Chui Mui (« Simplement parce que vous avez appuyé sur l’obturateur » à Montmajour) sème le trouble avec ses images « photoréalistes » : une photographie est-elle forcément la capture d’une réalité ou suffit-elle qu’elle soit vue comme une représentation du réel. Ces « photographies artificielles » ne faisant que franchir une étape dans un processus de falsification des images photographiques amorcé depuis bien longtemps.

L’IA générative questionne également la notion d’auteur. Tan Chui Mui est vidéaste et son travail repose sur une équipe. Comment un vidéaste peut-il se déclarer auteur et, pour un photographe, suffit-il d’appuyer sur le déclencheur ? Se faire assister par un logiciel pour créer une image peut relever de la même logique.

Des curateurs stars.

Mais la photographie, c’est aussi du business : à la Tour Luma, deux expositions à la gloire des curateurs. Pour “Constellation”, l’œuvre de Diane Arbus sert d’élément décoratif à une installation spectaculaire et bien sûr « immersive ». Une autre exposition explique combien l’œuvre Agnès Varda doit à Hans-Ulrich Obrist (avec par exemple une performance où elle est déguisée en pomme de terre). Heureusement, l’exposition de son travail photographique préparatoire au tournage de « La pointe courte » au Cloitre Saint Trophime rend justice à ce qui l’a rendu célèbre.
Agnès Varda, Saint Trophime

D’autres œuvres ou démarches remarquables : Saul Leiter (et son œuvre peint), Eric Tabuchi et Nelly Monnier (Atlas des Régions Naturelles), Charles Fréget, Gregory Crewdson, Lumières des Saintes (Sabine Weiss, François Kollar, Jean Ribière, Jeanne Taris, Lucien Clergue… ).

Le lien ci-dessous pointe sur les vidéos présentées lors de la « Nuit de l’Année » cela va de la simple bande annonce au montage audiovisuel abouti : La Nuit de l’Année, médiathèque des Rencontres d’Arles. On peut également y consulter la médiathèque des Rencontres.