Des goûts et des focales

Lors de la sortie d’octobre dernier Ă  CrĂ©teil, nous avions lancĂ© l’idĂ©e de travailler sur le choix de la focale dans une dĂ©marche personnelle sinon d’auteur ; « RĂ©ponses Photo » a justement consacrĂ© son numĂ©ro de juin 2023 Ă  cette question.

Gamme d'objectifs Zuiko

Focale « normale »

La distance focale dite « normale » est conventionnellement dĂ©finie par la diagonale du format. La focale de 50 mm a Ă©tĂ© choisie lors de la crĂ©ation du Leica dont le format 24×36 a une diagonale de 43mm, Ă©tablissant ainsi une rĂ©fĂ©rence toujours utiliser pour situer entre eux les objectifs de boĂźtiers numĂ©riques dont les capteurs n’ont pas tous les mĂȘmes dimensions.

Ce choix suppose que l’on regarde naturellement un tirage photo depuis une distance correspondant Ă  sa diagonale, la perspective et l’angle de champ « rĂ©els » sont restituĂ©s puisque l’image est observĂ©e dans les mĂȘmes conditions gĂ©omĂ©triques qu’à la prise de vue. En d’autres termes, la focale « normale » ou « standard » correspond au champ que l’on couvre lorsqu’on regarde par une fenĂȘtre Ă  une distance Ă©gale Ă  sa diagonale. Mais les curieux auront tendance Ă  se rapprocher pour « mieux » voir. C’est sans doute pour cela que beaucoup de photographes prĂ©fĂšrent des focales plus courtes dites « grand angle ».

La majorité des photographes cités dans ce numéro oscillent entre 35mm et 50mm pour leurs objectifs préférés :

  • Le 35mm permet selon certains de placer leur sujet dans son contexte pour d’autres le grand angle introduit des Ă©lĂ©ments indĂ©sirables dans la composition.
  • Le 50mm offre un cadrage plus serrĂ© concentrant l’image sur le sujet et une composition Ă©purĂ©e.

Ces arguments dĂ©pendent de la maniĂšre de voir du photographe mais aussi de la distance Ă  laquelle celui-ci se place naturellement par rapport Ă  son sujet. Pour citer Depardon : « Cartier-Bresson regarde Ă  cinq ou dix mĂštres, Guy Le Querrec est toujours au 35 mm et Ă  deux mĂštres des gens : c’est sa distance Ă  lui ».

Bien qu’aillant une focale prĂ©fĂ©rĂ©e, ces photographes utilisent au moins ces deux focales passant au grand angle lorsque le recul manque ou au contraire faire un portrait au 50mm en photo d’agence oĂč la norme Ă©tait le 35mm.

Focales fixes

Du point de vue technique, un objectif Ă  focale fixe offre une meilleure qualitĂ© optique et une plus grande ouverture Ă  un prix plus avantageux qu’un zoom. Du point de vue Ă©conomique, c’est plus discutable lorsqu’il s’agit de se constituer une gamme d’objectifs Ă  focales fixes entraĂźnant assez vite le besoin de possĂ©der plusieurs boĂźtiers. En numĂ©rique, les progrĂšs de l’optique et de la sensibilitĂ© des capteurs rendent par ailleurs les zooms utilisables dans la plupart des cas.

Cependant pour ce qui concerne la pratique, la focale fixe offre le mérite de nous inciter à nous déplacer, de tourner autour du sujet et de travailler la composition. Elle permet en outre de se construire un regard personnel et cohérent (à condition de ne pas recadrer à tout bout de champ).

On pourrait alors, en s’aidant du zoom pour trouver sa voie, s’équiper d’une seule focale fixe d’ « auteur ».

Jeux d’objectifs

Pour ceux qui souhaitent revenir Ă  l’argentique avec ses optiques d’époque et ses sensibilitĂ©s limitĂ©es Ă  400/800 ISO, la question de disposer d’un jeu de focales fixes peut se poser. La littĂ©rature de ce temps-lĂ  (« La Photo » par Chenz et J.L. Sieff, 1985), Chenz en l’occurrence proposait de suivre une progression gĂ©omĂ©trique des focales de raison 2 autour de 50mm soit 25, 50, 100, 200mm ou de raison 1,4 pour ceux qui en ont les moyens soit 17, 24, 35, 50, 70, 100, 150, 200mm


Sieff, moins rationnel que Chenz, proposait quant Ă  lui une panoplie Ă  3 objectifs : 28 ou 35mm pour « une belle profondeur de champ », 50 ou 55mm l’objectif « austĂšre » qui donnera des photos « honnĂȘtes » et 105 ou 180mm pour « jouer un peu les voyeurs ou pour faire des portraits sans que le nez de votre femme ressemble Ă  celui de Cyrano ». On notera que la question de la focale adaptĂ©e au portrait reste ouverte, la rĂ©ponse Ă©tant lĂ -aussi dans la distance que le photographe prendra naturellement vis-Ă -vis de son sujet.